Dirigeants : faut-il vraiment faire confiance à votre intuition ?

La prise de décision est l’un des actes les plus structurants dans le quotidien du dirigeant. Qu’il s’agisse de lancer un nouveau produit, de recruter un cadre, de changer de cap stratégique ou de s’allier à un partenaire, chaque choix engage l’avenir de l’entreprise. Et dans ce processus, l’intuition joue un rôle aussi fascinant que controversé.

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7/7/20253 min read

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La prise de décision est l’un des actes les plus structurants dans le quotidien du dirigeant. Qu’il s’agisse de lancer un nouveau produit, de recruter un cadre, de changer de cap stratégique ou de s’allier à un partenaire, chaque choix engage l’avenir de l’entreprise. Et dans ce processus, l’intuition joue un rôle aussi fascinant que controversé.

Chez Chapman & Chapman, cabinet de conseil en stratégie basé en Seine-et-Marne et spécialisé dans l’accompagnement des dirigeants de PME et ETI, nous constatons que l’intuition reste une arme à double tranchant. Elle peut décupler la vitesse de décision, mais elle peut aussi amplifier les biais cognitifs ou renforcer un excès de confiance.

Alors : faut-il s’y fier ? Et si oui, comment ?

L’intuition : boussole ou mirage ?

Dans une économie stable, où l’on pouvait planifier avec précision, l’intuition était perçue comme un supplément d’âme. Aujourd’hui, dans un monde devenu imprévisible et discontinu, elle devient un outil de navigation essentiel.

Comme le résume très justement Isabelle Kocher de Leyritz dans Les Échos, « ce n’est plus un voyage, c’est une exploration. Et dans ce cadre d’exploration, l’intuition devient critique. C’est une boussole indispensable. »

Mais attention : toute intuition n’est pas bonne conseillère. Olivier Sibony, spécialiste reconnu des biais cognitifs en entreprise, alerte sur le risque du biais du survivant. Beaucoup de dirigeants affirment : "Mon instinct m’a toujours réussi". Mais on oublie les autres, ceux à qui le même instinct a coûté cher – et qui n’en parlent pas.

Intuition et décision : quand devient-elle fiable ?

La science cognitive nous offre un cadre d’analyse utile. Les chercheurs Daniel Kahneman et Gary Klein s’accordent sur ce point : l’intuition peut être fiable si trois conditions sont réunies :

  1. Un environnement stable et régulier, où les mêmes causes produisent les mêmes effets (par exemple, les échecs ou l’aviation).

  2. Une expérience intense et répétée, permettant d’identifier inconsciemment des schémas récurrents.

  3. Un retour d’information rapide et précis, qui permet de corriger et d’ajuster ses jugements.

Or, la direction d’une entreprise, surtout en croissance, se situe rarement dans ce type d’environnement. Marchés mouvants, incertitudes géopolitiques, mutations technologiques : l’univers du dirigeant est tout sauf prévisible.

Les risques d’une intuition mal calibrée

1. L’excès de confiance

L’intuition mal maîtrisée peut renforcer l’illusion de contrôle ou la certitude d’avoir raison. C’est particulièrement vrai chez les dirigeants expérimentés, habitués à être écoutés, voire non contestés.

2. Les biais de confirmation

On va inconsciemment chercher des informations qui valident ce que l’on ressent, plutôt que de remettre en cause son intuition.

3. L’enfermement décisionnel

Un dirigeant convaincu par sa propre intuition peut marginaliser les voix contradictoires dans son équipe, réduisant la richesse des options considérées.

Mettre l’intuition au service d’une stratégie éclairée

Alors, comment exploiter son intuition sans se laisser piéger ? Voici quelques bonnes pratiques, souvent mises en œuvre dans nos accompagnements :

1. Distinguer l’intuition stratégique de l’impulsion émotionnelle

L’intuition authentique s’ancre dans l’expérience et l’analyse inconsciente. Elle n’a rien à voir avec la précipitation ou la réaction instinctive à une situation stressante.

2. Confronter l’intuition aux données

Lorsque vous « sentez » une décision, mettez-la à l’épreuve. Quelles sont les données objectives qui la confortent – ou la remettent en cause ?

3. Créer un espace de contradiction

Encouragez les membres de votre équipe à exprimer un avis divergent. Cela renforce la solidité de votre décision finale, intuitive ou non.

4. Documenter et analyser ses intuitions passées

Un simple journal de décisions permet de constater après coup si une intuition était justifiée – et dans quel contexte.

Intuition et gouvernance : un enjeu collectif

Dans les PME et ETI, la solitude du dirigeant rend l’intuition encore plus centrale. Mais c’est aussi un piège : sans organe de gouvernance (codir, comité stratégique, advisory board), le dirigeant peut se retrouver seul juge et partie. Chez Chapman & Chapman, nous travaillons justement à structurer ces instances de réflexion, afin d’outiller l’intuition par un cadre collectif, rationnel et stratégique.

Conclusion : une intuition cultivée, pas idéalisée

L’intuition est précieuse, mais elle n’est ni infaillible, ni suffisante. Elle doit être entourée, enrichie, éprouvée. Elle est un indicateur, pas une preuve. Pour les dirigeants de PME et ETI, c’est souvent en structurant la réflexion collective, en croisant leur boussole intérieure avec des données et des perspectives externes, qu’ils prennent des décisions puissantes et durables.